La caverne de Patirac à Bouzic

Une histoire en 1931

Le Trou du Vent est connu des Bouzicois depuis des siècles. Pour les spéléologues, c’est plus récent, c’est juste avant-guerre et cela a commencé avec la rumeur qu’il y avait une grotte de Patirac à Bouzic, plus belle que celle de Padirac sur le causse de Gramat. 

Cette histoire a été portée à notre connaissance, documents à l’appui, par notre ami Christian Ussel, de Saint Martial de Nabirat.

Dans son livre “La France ignorée”, publié en 1930, le célèbre spéléologue Edouard-Alfred Martel (1859-1938) a écrit :
“Au sud, dans la vallée du Céou, entre Daglan et Bouzie (sic), la caverne de Patirac, découverte en 1900 par l’abbé Delpech, aurait été explorée sur 1 km (avec ruisseau, concrétions, 3 lacs, dôme, “galeries cinq à six fois plus importantes que celle de Padirac” et autres merveilles) par une société de Limoges. En 1903, j’ai offert d’aller m’en rendre compte : le maire m’a répondu qu c’était impossible, les échelles ayant été retirées et les travaux suspendus (!).
Au début de décembre 1910, le Journal de la Vézère (du Bugue) en a reparlé en mentionnant “des dômes fantastiques…, une rivière large de 2 à 3 m…, des cascades mystérieuses…, l’enchantement de tant de curiosités méconnues”.
Pourquoi n’a-t-on pas vérifié sérieusement et scientifiquement toutes ces allégations ?

Edouard Martel a été le premier scientifique à se préoccuper de la pollution des eaux souterraines.

Il a réussi à ce qu’une loi interdise le jet de cadavres et de détritus putrescibles dans les grottes (loi relative à la santé publique du 15 février 1902, dite Loi Martel)

Dans son livre “La “Geste” de Robert de Joly, explorateur d’abîmes” (Fanlac, 1974), Bernard Gèze (1913-1996), décrit une expédition à Bouzic en 1931 de Robert de Joly, qui était à ce moment Président de la Société spéléologique de France, à laquelle il a pris part. 

Mais laissons la parole à Bernard Gèze. 

Bernard Gèze

Il paraissait évident que la société qui avait voulu aménager quelque caverne dans cette région fertile en trous lui avait donné un nom aussi proche que possible de celui du célèbre gouffre du Lot, de façon à profiter de sa réclame et s’assurer ainsi une bonne clientèle touristique à peu de frais. L’affaire n’avait pas réussi, mais y-avait-il quelque chose de vrai au départ ? 

Robert de Joly

Profitant d’une prospection aux grottes du “Jubilé” et autres cavités voisines, demandée par le syndicat d’initiative de Domme, De Joly se mit en rapport avec le maire de Bouzic pour venir effectuer la vérification souhaitable en juillet 1931, en compagnie de deux collaborateurs, H. Durand-Delga et B. Gèze. 

Notre étonnement est d’abord d’apprendre l’existence réelle d’un lieu-dit Patirac (ou Patiras) dans la commune de Bouzic et aussi la présence d’une grotte en ce lieu. Mais celle-ci, longue au plus de trente-cinq mètres, ébouleuse et terreuse, ne présente à première vue strictement aucun intérêt pour des touristes.
Les descriptions délirantes du début du siècle auraient-elles alors été purement imaginaires ? Eh bien non ! Le maire et de nombreux paysans nous confirment qu’il y a bien eu tentative d’aménagement, mais pour une autre caverne, située de l’autre côté de la colline voisine, et dont le nom réel est le “Trou du Vent” car son ouverture “souffle” parfois assez vivement. 

Cette caractéristique nous rempli aussitôt d’espoir malgré les restrictions du maire qui nous fait remarquer, assez justement, que si la cavité avait été grande et belle, son aménagement aurait certainement été poursuivi. Il ajoute que le conseil municipal nous invite à déjeuner à Bouzic et que nous aurons sans peine le temps de voir le fameux trou avant de le rejoindre à table ! 

Devant l’ouverture, semblable à celle d’un puits et fermée d’une grille, nous comprenons pourquoi l’exploration n’a pas progressé depuis un quart de siècle au moins : une échelle de corde est nécessaire pour la première verticale d’une dizaine de mètres. Cela ne nous retarde pas longtemps et neuf heures du matin sont à peine dépassées lorsque nous nous retrouvons tous trois sur le modeste cône d’éboulis résultant de l’effondrement de voûte grâce auquel la cavité communique avec l’extérieur. 

L’entrée du Trou du vent

C’est alors le début d’une inoubliable randonnée dans des galeries d’abord de grande taille dans l’étage supérieur, puis un peu plus étroites dans un second étage situé une dizaine de mètres plus bas, ensuite à un troisième étage auquel on aboutit par un puits de sept mètres, enfin, quarante mètres au-dessous de la bouche, un quatrième étage très exigu et où coule un ruisselet fort actif, bientôt impénétrable. 

L’ensemble constitue un réseau d’une grande complexité où nous fouinons chacun de notre côté, nous retrouvant de temps à autre à un carrefour, ou simplement nous apercevant à des niveaux différents d’une même large diaclase. Le plan schématique, que nous levons à mesure, montre que nous avons bien parcouru à peu près un kilomètre sous terre : c’est une grande grotte (les explorations ultérieures, par B. Mortureux et le S-C de Périgueux, ont porté cette longueur à 2200 m, grâce au franchissement d’une voûte basse qui était mouillante en 1931. 

Mais il n’y a rien de vraiment “touristique”. Les concrétions sont peu nombreuses et plutôt quelconques. Les seules attractions, spectaculaires pour des spéléologues, sont d’impressionnantes marmites de géants et surtout une extraordinaire corrosion en dentelles – la plus intense que j’ai jamais rencontrée, nous dit le Président – sur les parois des étages inférieurs. 

Lorsque l’appétit de découverte est enfin rassasié, c’est la faim toute pure qui nous incite à regarder nos montres : il est 16 heures et nous pensons subitement au conseil municipal de Bouzic, qui doit nous attendre au grand complet depuis au moins quatre heures ! Le retour est effectué au pas de charge, la remontée de l’échelle en un clin d’œil. A la bouche, presque tout le village est là, autour des autorités affolées qui commençaient à croire à notre disparition définitive et s’apprêtaient à alerter gendarmerie et préfecture. 

A cinq heure de l’après-midi, commence enfin un festin, lui aussi inoubliable, principalement en raison du “Monbazillac”, délicieux mais trop doux, servi comme apéritif, puis avec les hors d’oeuvre, avec le poisson, avec le civet de lièvre, avec la salade, avec les fruits, avec les gâteaux ! De Joly – qui ne tolérait que le vin blanc sec, et encore en petite quantité en dehors des journées d’exploration – est au supplice ! Il finit par éclater et demande qu’on lui serve de l’eau. C’est un scandale ! Il finit par en obtenir un verre lors du dessert, juste au moment où un vin doux devenait non seulement tolérable mais même fort indiqué ! 

Le bourg de Bouzic

A la nuit noire, le retour vers Domme est assez surprenant pour une équipe de spéléologues présumés sérieux. De Joly est tantôt radieux au souvenir de la belle journée d’exploration qu’il vient de passer, tantôt furieux en pensant à la quantité d’alcool qu’il a dû ingurgiter. Quant à Durand-Delga et Gèze, ravis par la succession d’événements, ils chantent à tue-tête sans tenir le moindre compte de l’honneur du spéleo-club de France et des sévères admonestations du Président ! 

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